Le récit démarre par les quelques jours qui précèdent la mort d'Alexandre le grand. Le lecteur découvre tout l'univers de faste et de débauche, d'exotisme et de soldaterie qui entourent le grand général.  C'est lors d'un fastueux banquet, que l'on devine habituel à la troupe, que les premières failles physiques apparaissent. Les visages se crispent, la tension monte.  La peur se dessine en chacun des convives: ils ont la certitude que sans Alexandre, le royaume conquis avec tant de fougue s'effondrera comme un château de cartes.

Le décor est posé par Laurent Gaudé dans ces quelques premières pages.  L'enjeu est là: la chute d'Alexandre engendrera un conflit entre ceux qui jadis étaient frères d'arme. Et c'est cette machine de guerre sauvage qu'est l'empire qui va s'emparer de nouveau du personnage principal du roman, une princesse dont le père avait été vaincu par Alexandre. Elle a toute les raisons de le haïr: toute sa vie Alexandre n'a eu de cesse de lui prendre ce à quoi elle tenait et de modeler sa vie comme bon lui semblait. Et pourtant, c'est elle qui se met au service d'Alexandre en faisant de son corps et de son âme le cortège qui l'accompagnera jusqu'au bout du voyage. Même si cela doit encore lui coûter. Même si le tribut à payer est bien trop lourd. Elle trouve les forces de poursuivre le chemin car même si elle se sent guidée par la voix d'Alexandre, c'est sa décision. Elle devient force de proposition comme si accepter son destin était finalement une forme de choix. La première décision libre de sa vie.  Elle incarne alors un rêve, un rêve de grandeur qui la dépasse, un passé révolu à l'image des pleureuses qui la suivent.

Le roman se partage ainsi entre les déambulations du cortège mené par cette femme et les combats des amis d'Alexandre. J'ai d'ailleurs eu l'impression que c'était bien lui finalement le personnage principal qui se devine dans les souvenirs que chacun porte en lui. Alexandre est partout: une présence très physique et bruyante au début du roman... jusqu'à devenir un souffle, l'essence de son âme.

 

Je vous recommande ce roman donc j'ai trouvé l'écriture très fine et les personnages biens pensés.  L'alternance entre l'histoire personnelle des personnages, les récits de leur rencontre avec Alexandre qui a changé la destinée de chacun passionnent. J'avais très peur que le livre approche Alexandre le Grand d'une manière trop historique ou encore comme un personnage mythique.  Dans le roman de Gaudé on sent une véritable incarnation qui se transforme progressivement jusqu'à devenir un souffle ésotérique. Cette découverte m'a ravie.

 

M'intéressant fortement à l'Art thérapie, je suis très peu pour la notation en art, mais suite à la demande de Priceminister qui m'a offert par l'intermédiaire de ce roman de beaux moments de lecture, je m'y soumets gentiment:  je lui donne donc 16/20 (une note assez alléatoire puisque je n'ai pas fixé de critères particuliers mais plus fondé sur mon ressenti)

Merci beaucoup à priceminister pour le match de la rentrée littéraire qui permet chaque fois de se tourner vers des auteurs auxquels on n'aurait pas forcément pensé...

 

 

 

 

 

EDITO du 1912/12 : Le bilan des matchs priceminister est en ligne ici.

Merci à Galipettes entre les lignes