Hiramatsu Reiji réinvente Giverny

Le musée des Impressionnismes à Giverny propose une exposition d'Hiramatsu Reiji. Ce peintre japonnais a eu une véritable révélation lorsque dans les années 90 il a découvert le fameux jardin mais aussi le musée de l'Orangerie. Retour sur une exposition sous forme d'hommage à Claude Monet et ses nymphéas intemporels. 

Sensation.

C'est bien cela dont il s'agit dans la peinture de Monet. Se laisser porter par la lumière, la couleur. Enveloppé par la matière on en oublie presque toutes les influences qui ont joué sur cette façon si particulière de peindre le paysage. On associe souvent le fil de pensée à celui du combat entre la couleur et la ligne au 19e ( Delacroix/Ingres), ou à une manière de recréer l'atmosphère telle qu'on la voit dans les oeuvres de Turner, Jongkind ou encore Boudin, les "maîtres" de Monet. Après l'invention de la photographie, il fallait bien trouver une raison d'être à la peinture. Et pourtant c'est la ligne qui est au coeur de l'art de l'estampe japonaise qui fascinait tant Monet. De nombreux essais se sont intéressés aux liens entre l'oeuvre de l'impressionniste et de l'art nippon, mais peut être que ce chemin en sens inverse, du peintre contemporain japonnais (Hiramatsu Reiji) qui s'inspire de Giverny pour créer, peut les révéler en image. 

Avant tout il y a un sujet. Point de portrait ou de scène de genre, mais un "non sujet": un jardin. Concevoir le jardin comme espace de création c'est déjà une petite révolution. Il a fallu pour cela l'invention du tube de peinture qui a permi de peindre sur le motif, s'éloigner de l'atmosphère étouffant de l'atelier pour sentir le vent, le soleil sur la toile. Le jardin de Monet à Giverny c'est peut être  l'oeuvre de sa vie, il en a dessiné les lignes, cherché les plantes qui s'adapteraient le mieux aux contours, à la terre, à la lumière. Chaque saison apportant de nouvelles couleurs pour sa palette. Des peintures de fin de vie, lorsque sa vue atteinte floutait le dessin des pétales, il ne reste que ces couleurs vives et pourtant automnales, comme une métaphore. Mais ce jardin c'est donc ainsi l'art d'observer l'éphémérité de la beauté des pétales des fleurs de cerisiers comme la célèbre les japonais au printemps. Le pont, le bassin aux nymphéas nous rappellent le goût de Monet pour l'art nippon, les estampes accrochées dans la maison rose en sont aussi le témoignage. Dès l'adolescence, Monet a commencé à collectionner ces dessins venus d'un pays lointain et fascinant. 

Nul doute qu'Hiramatsu a bien compris le cheminement de Monet. Les formats des toiles par exemple s'inspire des paravents ou encore des rouleaux. Les paysages allongés permettent de donner un panorama de l'étang. Il suffit de visiter l'Orangerie pour comprendre en quoi ce format est essentiel pour saisir l'instant et se plonger dans l'atmosphère par la couleur. Autre format intéressant, la forme ronde qui depuis la Renaissance et l'invention du miroir joue avec le réel en proposant un autre regard sur le monde. Hiramatsu évoque d'ailleurs la question du miroir et des reflets pour sa peinture. 

Au delà du format, la technique du nihonga  a un intérêt à part entière. Dans le parcours proposé par le musée des impressionnismes, des échantillons de matières, palettes, pigments sont exposés afin de permettre au visiteur de comprendre la réalisation des toiles. Les pinceaux sont par exemple plus proches de ceux des calligraphes, en bambous avec parfois plusieurs embouts un peu comme une flûte de pan. Cet attirail et les études préparatoires d'Hiramatsu sont une façon aussi d'établir une connection entre la sérénité qu'il faut au calligraphe pour tracer des pictogrammes et le sentiment d'harmonie que l'on ressent devant les toiles représentant Giverny.  

C'est tout un travail de patience en effet qui est mis à jour, une multitude de points et la finesse des coups de pinceaux donnent jour à des nénuphars, des oiseaux ou papillons. On ne peut s'empêcher de penser aux tableaux pointillistes devant certaines  toiles d'Hiramatsu mais peut être aussi à la peinture des rêves aborigènes.

Petit bémol cependant en ce qui me concerne, si certaines toiles sont des petits bijoux de rêve et de maîtrises d'autres au contraire pèchent par le côté "kitsch" un peu criard des couleurs ou encore la tentative de joindre la délicatesse des pétales par une transparence s'approchant de l'aquarelle et des contours encrés en noir avec la matière dense qui semble avoir été brossée n'est pas du plus joli effet. Néanmoins l'ensemble reste d'une grande qualité et le parallèle entre art japonais et Monet est on ne peut plus judicieux!

A lire ici le billet d'une autre blogueuse qui a également succombé aux charmes de Giverny et à cette exposition.

Comments

[ogressedeparis]

Avec plaisir! merci beaucoup pour la visite du blog et le partage

[aifelle1]

Votre billet est très bien fait, je suis trop néophyte en la matière pour en parler aussi bien. Il y a quelques toiles qui sont un peu plus faibles effectivement, mais l'ensemble est enthousiasmant. Si vous le permettez, je le rajoute en lien sur mon blog aujourd'hui.

[Cath Sultan Sow]

Je n'étais pas passée chez toi depuis bien longtemps, chère Ogresse. Tu nous offre toujours des merveilles !

Celles-ci me plaisent particulièrement.

On parle toujours de l'influence de l'art nippon sur les peintres occidentaux, Van Gogh, Odilon Redon, ...Monet bien sûr. C'est intéressant de voir le voyage à l'envers.

c'est un très beau voyage !

[hedonistinparis]

merci pour ton article, cela me donne envie d'aller voir ce musée !

tes explications tres claires me permettront de mieux comprendre l'exposition !

[kaeruchan]

:) tiens je me disais justement qu'il fallait que je fasse un article dessus ! J'ai vraiment adorée l'expo !!!

J'ai juste regrette que la qualité des repro dans le catalogue soit si médiocre. La chromie est toute naze et du coup, les peintures deviennent hyper kitch et on perd la subtilité des originaux.



Ton article me donne envie d'y retourner !!!